Les Femmes et le Syndrome de l’Imposteur : La Lutte Silencieuse
- Ooh Georgie
- 24 juil. 2024
- 3 min de lecture
Dans les salles de réunion et les startups, derrière les portes fermées des bureaux et les écrans Zoom, un phénomène insidieux et omniprésent hante de nombreuses femmes. Ce n'est pas un nouveau défi, mais il reste en grande partie non-dit : le syndrome de l’imposteur.
Une Épidémie Silencieuse
Sophie,une cadre marketing de 34 ans à Paris, incarne un paradoxe. Sur le papier, ses références sont impeccables : un diplôme de Sciences Po et des promotions rapides. Pourtant, malgré ces distinctions, Martin se réveille chaque jour avec la sensation lancinante d'être une fraude.
« J'ai constamment l'impression que je vais être découverte, » confie-t-elle. « Comme si quelqu'un allait se rendre compte que je ne sais pas vraiment ce que je fais. »
Ce sentiment n'est pas unique à Sophie. Selon une étude de 2020 de l'International Journal of Behavioral Science, environ 70% des personnes ressentent le syndrome de l’imposteur à un moment donné de leur vie. Cependant, les femmes, en particulier celles dans des domaines à haute performance, rapportent ces sentiments plus fréquemment et intensément.
Les Racines du Doute
Le syndrome de l’imposteur, un terme introduit pour la première fois par les psychologues Pauline Clance et Suzanne Imes à la fin des années 1970, décrit les individus qui ne parviennent pas à intérioriser leurs réussites. Malgré des succès évidents, ils persistent à croire qu'ils trompent les autres quant à leurs compétences.
Les facteurs socioculturels jouent un rôle important dans la vulnérabilité accrue des femmes. Dès leur plus jeune âge, de nombreuses femmes reçoivent des messages implicites indiquant qu'elles doivent être parfaites pour être acceptées. Dans les milieux professionnels, où les femmes sont souvent encore minoritaires dans les rôles de direction, ces pressions s'intensifient. Le "double bind" omniprésent — l'attente d'être à la fois compétente et aimable — exacerbe ces doutes.
Le Dr Valerie Young, une experte du syndrome de l’imposteur, catégorise les souffrants en plusieurs types, tels que le Perfectionniste, qui fixe des normes impossiblement élevées, et la Superwoman, qui se pousse à travailler plus dur pour prouver sa valeur. Ces archétypes se manifestent souvent plus vivement chez les femmes, qui jonglent avec les attentes sociétales et les ambitions professionnelles.
Le Coût du Silence
Le coût psychologique du syndrome de l’imposteur est profond. Les sentiments d'inadéquation peuvent mener à un stress chronique, à l'épuisement professionnel et à des problèmes de santé mentale tels que l'anxiété et la dépression. Professionnellement, cela empêche les femmes de demander des promotions, des augmentations, ou de nouvelles opportunités. Dans une enquête menée par KPMG en 2021, 75% des femmes cadres ont déclaré avoir vécu le syndrome de l’imposteur à un moment de leur carrière, 85% d'entre elles estimant que cela avait affecté leur progression de carrière.
« J'ai refusé des projets parce que je ne me sentais pas qualifiée, » dit Claire, une ingénieure logiciel à Paris. « Pour ensuite voir des collègues moins expérimentés réussir dans ces rôles. C'est une prophétie auto-réalisatrice. »
Briser le Cycle
Aborder le syndrome de l’imposteur nécessite des efforts systémiques et individuels. Les organisations doivent favoriser des environnements où les femmes se sentent validées et soutenues. Les programmes de mentorat peuvent être cruciaux, fournissant des modèles qui partagent leurs luttes et leurs stratégies pour les surmonter.
Sur le plan individuel, reconnaître et reformuler les schémas de pensée négatifs est essentiel. Les stratégies cognitivo-comportementales, telles que l'écriture de ses accomplissements et la pratique de l'auto-compassion, peuvent atténuer les sentiments de fraude. De plus, consulter un thérapeute ou un coach peut fournir des outils pour gérer ces doutes omniprésents.
Une Voie à Suivre
Le chemin pour surmonter le syndrome de l’imposteur n'est ni rapide ni facile. Cela nécessite un changement culturel et une résilience personnelle. Cependant, à mesure que davantage de femmes partagent leurs histoires, la stigmatisation associée à ces sentiments diminue. La transparence engendre la solidarité.
Dans les mots de l'ancienne Première Dame Michelle Obama, qui a ouvertement discuté de ses luttes avec le syndrome de l’imposteur : « J'ai été à probablement toutes les tables de pouvoir que vous pouvez imaginer... J'ai siégé dans des conseils d'administration avec certains des PDG les plus importants. J'ai dû travailler avec les meilleurs des meilleurs... Ils ne sont pas plus intelligents que vous. »
Pour des femmes comme Sophie, ce message est à la fois un réconfort et un appel à l'action. À mesure que la conversation autour du syndrome de l’imposteur s'intensifie, la force collective des femmes qui, malgré leurs doutes, continuent de s'élever, grandit.
Comments